La famille Villars-Lurton est à la tête de nombreux châteaux bordelais et nous a récemment fait découvrir 4 de leurs vins produits sur la commune de Margaux. A cette occasion Sophie Pagis, la responsable œnotourisme du groupe, a rejoint les Avinturiers au Restaurant Au Canon d’Or de Mulhouse pour une comparaison des 2012 et des 2005 des propriétés suivantes : Château La Gurgue ; Château Ferrière, 3è Cru Classé ; Le Relais de Durfort-Vivens ainsi que le Grand Vin du Château Durfort-Vivens, 2è Cru Classé. Très belle soirée !
Pour la toute première fois depuis leur création les Avinturiers partent à la rencontre des vins de Bordeaux et plus particulièrement du terroir de Margaux, un cru du Médoc au nom mythique. Sophie Pagis, la responsable œnotourisme des domaines de Claire Villars & Gonzague Lurton, nous a retrouvé à cette occasion pour nous faire découvrir tous les charmes du terroir margalais. C’est sur ces croupes calcaires du Médoc, dont l’étymologie signifie « terre du milieu », que sont produits des vins dont la fraîcheur, la minéralité et l’élégance sont reconnus de tous. Le terroir margalais est principalement composé de graves qui ne sont d’autres que des sédiments calcaires venus des Pyrénées et déposés par les lits successifs de la Garonne à l’ère quaternaire. C’est aussi à ce moment que les rives du Médoc et du Libournais entrent en subduction pour que la Garonne et la Dordogne puissent tracer leurs cours. L’appellation Margaux s‘étend sur plusieurs communes dont les plus célèbres sont Margaux, Cantenac, Arsac ou encore Soussans ; les parcelles sont bien souvent morcelées et il est rare de trouver un vignoble d’un seul tenant. Les terroirs de Margaux offrent une maturité précoce et optimale au Cabernet Sauvignon qui domine la majorité de l’encépagement. Il n’y a pas d’exception pour les vins dégustés ce soir ; entre 50% et 80% de Cabernet Sauvignon entrent dans l’assemblage selon les châteaux et les années.
Les vignobles de Claire Villars & Gonzague Lurton sont une des figures de proue de la biodynamie dans le Bordelais alors que très peu de châteaux, même les plus grands, se limitent à une approche raisonnée de la vigne. Tous les vins présentés ce soir sont issus de pratiques respectueuses de l’environnement. En cave de nombreux investissements ont été réalisés pour adopter les standards les plus modernes, l’utilisation du bois est ajustée aux caractéristiques du millésime afin de ne pas forcer le trait et d’aboutir à une harmonie parfaite du raisin et de son élevage.
Nous débutons avec le Château La Gurgue, petite propriété de 10ha mitoyenne du Château Margaux et proche de la Gironde. Il fut acquis en 1978 dans un mauvais état général et est depuis été restauré par la famille Villars pour être aujourd’hui une des véritables pépites du vignoble de Margaux. Claire Villars a décidé de ne plus reconduire le classement en cru bourgeois (supérieur depuis 2003) en raison de charges administratives trop lourdes pour ce petit domaine. Il faut dire que la Gurgue n’a pas vraiment besoin d’un classement en cru bourgeois pour se vendre : près de 80% des vins sont exportés chaque année en Suisse. Sophie ne sait pas pourquoi mais le marché helvète en raffole ! Les principes biodynamiques sont appliqués dans un vignoble, âgé de 30 ans en moyenne, et en cave où l’élevage moyen est de 14 mois. Le Château La Gurgue 2012 a une dominante de Cabernet-Sauvignon (60%) complété de Merlot et d’une petite part de Petit Verdot. Le nez mêle rondeur et élégance dans un registre flatteur, fruité et amandé. Les tannins enrobent parfaitement le palais, le bois y est très bien intégré ce qui nous procure une belle alliance entre concentration et finesse. Le Château La Gurgue 2005 provient de la réserve personnelle du Château, Sophie a dû faire les fonds de cave pour y trouver une des toutes dernières bouteilles ! Le nez de ce vin est aérien, à la fois profond et doté d’une grande maturité de fruit. La bouche reprend un fruit mûr, une belle concentration ainsi que des tannins mûrs qui procurent une symbiose idéale entre la force du Cabernet Sauvignon (tannins, végétal noble) et l’allonge suggestive du Merlot. Très joli vin à maturité, quel plaisir envoûtant !
Nous faisons un passage par le Château Durfort-Vivens et son deuxième, le Relais de Durfort-Vivens en prélude des grands crus présentés ce soir. Les jeunes vignes du vignoble de Durfort composent près de 2/3 du second vin (entre 3 et 15 ans), le reste du Relais de Durfort-Vivens provient de plus vieilles vignes du vignobles (entre 15 et 55 ans) qui n’entrent pas dans l’assemblage du Grand Vin. Signalons la grande densité de ce vignoble (10’000 pieds/ha) ce qui d’après notre interlocutrice est relativement commun sur l’appellation. Le Relais de Durfort-Vivens 2012 a une dominante de Cabernet-Sauvignon et ça se sent : sur le végétal mûr, la confiture de framboise et une très belle fraîcheur sous-jacente. Le terroir se ressent aussi car nous avons affaire à un vin plus sombre, sur des notes de fruit noir avec des tannins juteux ainsi qu’une fin de bouche réglissée. Une sensation digeste sapide, tendue et vanillée persiste, très bien ! Le Relais de Durfort-Vivens 2005 offre à ce stade un nez joyeux, ouvert et fait de groseille, de végétal et de cèdre. Tout y est intégré en bouche sur un côté fin, subtil et raffiné. Cette allonge exquise, salivante et subtile est remarquable et donne une belle idée de ce que peut offrir un grand terroir de Bordeaux. Ce vin offre la meilleure des introductions au Grand Vin de Durfort-Vivens, tout le monde se réjouit…
Place aux Grands Crus ! Tout d’abord le Château Ferrière, 3è Grand Cru Classé de Margaux, dont le nom provient de son fondateur, Gabriel Ferrière, courtier royal à Bordeaux et officier des chasses du roi au 18è siècle. Le vignoble demeure une propriété de la famille Ferrière jusqu’en 1914 et passe entre les mains de plusieurs propriétaires avant d’être acquis par la famille Villars en 1988. Depuis Claire Villars Lurton a entrepris d’importants travaux de rénovation afin de hisser ce petit vignoble de 12ha au plus haut niveau de l’appellation. Il faut dire que les vignes jouxtent celles du Château Margaux et sont menées dans le plus haut respect environnemental. Âge des vignes : 45 ans en moyenne, 10’000 pieds/ha, vinification en cuve béton et bois selon la parcelle puis élevage de 18 mois en barriques (dont 40% neuves). Voici les statistiques ! Le Château Ferrière 2012, 3è Grand Cru Classé de Margaux a été carafé 2h avant la dégustation mais montre encore quelques signes de réduction (allumette) avant de s’ouvrir sur des arômes de fruits rouges (framboise), de fumé et de fleur, tout en pureté. La bouche mûre se veut cependant très vive, dynamique avec des nuances de fruit, de tabac et d’épices avant de se conclure avec une belle tension et une sapidité idéale pour la pièce de bœuf que nous préparée le chef Gilles Reeb ! Face à lui le Château Ferrière 2005, 3è Grand Cru Classé de Margaux, prend des accents fumés et viandés tout en préservant la fraîcheur et le jus du fruit rouge. Quelle classe en bouche : ça claque sur la langue, ça vit et titille le palais avant de terminer sur une finale en queue de paon, à la fois complexe et profonde. J’ai eu la chance de terminer la bouteille 24 heures plus tard pour admirer le velouté des tannins ainsi que cette nuance de cuir distinguée. Un Bordeaux à maturité comme on les aime !
Enfin le Château Durfort-Vivens, 2è Grand Cru Classé de Margaux, doit son nom à une puissante famille du sud-ouest qui s’installe sur les bords de la Gironde dès le 14è siècle. En 1824 le Vicomte de Vivens ajoute son nom à celui des Durfort alors que le domaine est à son apogée jusqu’à son classement de 1855 : précisons que Thomas Jefferson le place dans ses petits papiers aux côtés de Lafite, Latour et Château Margaux, excusez du peu. En 1937 le cru est repris par la société du Château Margaux dont la famille Lurton est le principal actionnaire et restera dans la famille jusque sous la direction de Gonzague Lurton aujourd’hui. Ce grand vignoble de 55ha fait la part belle au Cabernet Sauvignon (jusqu’à 90% de l’assemblage en 2012) qui prospère sur des graves profondes du quaternaire. La culture biodynamique y est particulièrement soignée avec un souci particulier à la sélection parcellaire, les vins sont vieillis dans des barriques dont seulement la moitié est renouvelée chaque année. Le Château Durfort-Vivens 2012, 2è Grand Cru Classé de Margaux, fait l’éloge de son cépage et de son terroir au nez en mêlant à la fois puissance et élégance. La bouche est tout simplement éclatante et offre la classe des plus grands : un jus concentré, une force fumée, des tannins sous-jacents encore forts et robustes mais dotés d’une maturité idéale pour un vieillissement des plusieurs décennies. Superbe ! Un Margaux sérieux, sombre mais d’une élégance confondante, la longueur est remarquable ! Bravo ! Nous terminons cette superbe soirée margalaise avec le Château Durfort-Vivens 2005, 2è Grand Cru Classé de Margaux. Le nez s’ouvre tout d’abord sur le bois noble abouti, entre fumé et boisé, ainsi que des notes de cuir et de framboise. Intégré et pleinement abouti à ce stade, il propose un ensemble de café, de cuir ainsi qu’un jus exquis et salivant porté par des tannins mûrs. La finale est une ode à ce grand terroir de Margaux : grandiose, saline, aux nobles amers, avec des touches de viande séchée et fumée avant de se prolonger pendant de longues caudalies. La perfection n’est pas loin si ce n’est que la marque boisée est peut-être un peu trop poussée sur ce millésime : il lui manque peut-être la pureté d’une année plus fraîche comme 2012 mais franchement, il ne faut pas pinailler !
Il ne me reste qu’à remercier infiniment Sophie Pagis de nous avoir rejoint ce soir : pour une première bordelaise, les Avinturiers ont succombé au charme de Margaux et ne peuvent que féliciter le travail soigné de toute l’équipe Claire Villars et Gonzague Lurton. Leurs efforts ne peuvent qu’honorer le blason bordelais et le porter au plus haut des grands vins français.
In vino veritas